L’Archontiko des Benizélos et l’architecture ottomane à Athènes
A quoi ressemble Athènes sous l’occupation ottomane (1456-1821), alors que le Parthénon est transformé en mosquée ?
Un rare exemple architectural de cette époque est ouvert au public depuis 2017 dans le quartier touristique de la Plaka (rue Adrianou) :
l’Archontiko (maison seigneuriale) des Benizélos (Αρχοντικό των Μπενιζέλων), appelé aussi Maison de Sainte Philothée d'Athènes (Σπίτι της Αγίας Φιλοθέης της Αθηναίας).
Demeure aristocratique de l'époque ottomane, c'est la plus ancienne maison qui subsiste dans la capitale grecque.
Différentes représentations d’Athènes à l’époque ottomane
Amplement rénové et agrandi au XVIIIème siècle, l’Archontiko subit par la suite des ajouts modernes puis tombe peu à peu dans l'abandon. Désormais classé, il a fait l’objet ces dernières années d’une belle restauration.
L'Archontiko aujourd'hui
Description :
Sur deux étages, la demeure dispose d'un rez-de-chaussée en pierre abritant les fonctions économiques : un lavoir et des espaces de stockage. Un puits orne la cour principale tandis que les traces d'un pressoir à olives du xvième siècle ont été retrouvées dans le jardin.
Le sachnisi central (baie vitrée), dont il ne subsistait que d'infimes traces avant les travaux de restauration, a été reconstruit à partir d'archives photographiques du xixème siècle.
À l'étage, la pierre calcaire laisse place au bois dans les espaces d'habitation et de réception. Les murs intérieurs sont constitués de pans de bois, de briques et de mortier, avant d'être recouvert d'un enduit ou de boiserie. Une loggia traversante (hayiati) relie deux salons, l'un au centre de l'édifice au niveau du sachnisi et l'autre dans l'angle nord-est. Cet espace de transition à l'air libre permet également de desservir deux espaces de vie clos (ontas) de part et d'autre du salon central, l'un d'eux étant équipé d'une cheminée pour les mois d'hiver.
La demeure à l'époque de Sainte Philothée (xvième siècle) :
La résidence primitive du XVIème siècle appartient à Angélos Benizélos (~1490) et à son épouse Sirigi Paléologue, tous deux issus d’illustres familles aristocratiques byzantines. Leur fille, Revoula Benizélou (1522-1589), est associée au lieu par la tradition orale.
Revoula Benizélou est fille unique. A 14 ans, elle épouse Andréas Elias, beaucoup plus âgé qu’elle. Après trois ans de vie conjugale, Revoula, désormais veuve, met à profit ses biens et œuvre dans un seul but de bienfaisance. En 1551, elle devient religieuse sous le nom de Philothée.
Philothée fonde le monastère de femmes de Saint-André, à une centaine de mètres de la propriété familiale, à l'emplacement de l'actuel archevêché d'Athènes.
Son action chrétienne et humanitaire suscite la colère des Turcs, qui, pendant la nuit du 2 octobre 1588, l’arrêtent à Saint-André, la torturent et, de ses nombreuses blessures, elle meurt le 19 février 1589.
Elle est sanctifiée au tournant du XVIIème siècle par le Patriarche Matthieu II de Constantinople et devient la patronne de la ville d’Athènes.
Sa sépulture se trouve aujourd’hui dans l’église métropolitaine d’Athènes.
Icônes représentant Sainte Philothée. Son cercueil.
Des agrandissements du xviiième siècle au délabrement :
Le bâtiment visible aujourd'hui est le fruit d'importantes extensions entre la fin du xviième siècle et le début du xviiième. À cette époque, la façade méridionale et les trois murs internes sont conservés, tandis que les matériaux sont réemployés afin de reconstruire le mur nord et le niveau supérieur. Des arcades sont également érigées au rez-de-chaussée de la façade principale.
Après la guerre d'indépendance grecque, la propriété sert de taverne et de multiples ajouts participent à la dénaturation de l'édifice au cours des xixème et xxème siècles. Des fenêtres sont par exemple créées dans la loggia, obstruant dès lors un espace auparavant ouvert sur l'extérieur, et une couverture en tôle remplace la toiture en tuiles. La bâtisse est également divisée en deux logements au début du xxème siècle. Anastasios Orlandos et Ioannis Travlos, qui étudient la demeure entre 1940 et 1960, échouent ainsi à reconstituer avec clarté son architecture originelle.
La restauration et la transformation en musée :
La demeure Benizélos reste habitée jusqu'aux années 1960. Elle est expropriée en 1972 par le ministère de la Culture et quelques opérations de sauvetage sont conduites vers 1985. En 1999, le bien est concédé à l'archevêché d'Athènes dans le but de le restaurer entièrement et de le transformer en musée.
Lorsque les premiers diagnostics archéologiques sont réalisés, l'édifice est dans un état de délabrement important. Au cours des fouilles préventives à l'été 2008, une partie de l'enceinte romaine construite à la suite du pillage des Hérules (267-268 apr. J.-C.), a été mise au jour dans la cour de la propriété, ainsi qu'au niveau des fondations. Ces vestiges sont aujourd'hui observables par les visiteurs.
La restauration, financée en partie par des fonds structurels européens, a pour objectif de redonner à l'édifice son aspect du xviiième siècle, en supprimant les ajouts modernes et en préservant autant que possible les éléments de bois de la charpente et de l'étage. Des renforcements en acier inoxydable sont intégrés lors de la réfection des murs intérieurs. Les poutres en bois horizontales, supprimées lors des restructurations modernes, sont réintroduites dans la maçonnerie du mur sud afin de renforcer la résistance du bâtiment au risque sismique.
Enfin, le musée retrace l'histoire du lieu et la vie de ses occupants à différentes époques.
Architecture :
L’Archontiko Benizélos présente les caractéristiques architecturales du konak. Ce type d'habitation est de nos jours rare dans la moitié sud de la Grèce continentale et unique à Athènes.
Le mot konak est un terme d'origine turque qui désigne, en Turquie et dans l’ex empire ottoman, un « palais », une « résidence » ou une « grande maison ». Construits par de riches particuliers ou par les membres de l'aristocratie, les konaks pouvaient également servir de résidence administrative.
Autres exemples d'architecture ottomane visibles aujourd'hui à Athènes.
Montpellier, l'église grecque orthodoxe porte le nom de Sainte Philothée d'Athènes
Sources :
Manoir Benizélos — Wikipédia (wikipedia.org)
Αγία Φιλοθέη η Αθηναία - Βικιπαίδεια (wikipedia.org)
Pour en savoir plus : Article de la « Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux » :