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Publié par Andreas N.

Qui était Hérode Atticus ?

Hérode Atticus est, pour beaucoup d’entre nous, le nom du théâtre antique (ou Odéon) qui étale ses gradins au pied de l’Acropole d’Athènes, gradins protégés par son mur de scène.

Cet Odéon a été construit à l’époque romaine, en 161 de notre ère, par le richissime Hérode Atticus. Mis au jour au XIXème siècle, il a été restauré en 1950 et en 1961. On peut y voir des représentations théâtrales, des concerts et des spectacles de danse, notamment pendant le festival d’Athènes.

Le théâtre, son mur de scène bien conservé et ses gradins restaurés.
Le théâtre, son mur de scène bien conservé et ses gradins restaurés.
Le théâtre, son mur de scène bien conservé et ses gradins restaurés.
Le théâtre, son mur de scène bien conservé et ses gradins restaurés.
Le théâtre, son mur de scène bien conservé et ses gradins restaurés.

Le théâtre, son mur de scène bien conservé et ses gradins restaurés.

Hérode Atticus est aussi un Poème de Constantin Cavafis, où le grand poète Alexandrin (1863-1933) présente le personnage comme un rhéteur respecté et écouté. 

 

Constantin Cavafis se considérait comme un poète-historien. L’histoire, ainsi que la géographie, lui servent de matière poétique. L’interaction entre l’expression de l’érotisme et le passé historique se manifeste dans la vision sensuelle de l’hellénisme et la mise en mots avec la rédaction du poème Ἡρώδης Ἀττικός (Hérode Atticus).

Le texte prolonge la vision sensuelle de l’hellénisme à travers l’évocation symbolique de la géographie, en particulier des villes qui deviennent emblématiques de l’érotisme : Alexandrie, Antioche et Béryte. C’est vers l’hellénisme des confins, teinté d’Orient, que Cavafis, « Grec de l’extérieur », a choisi de se tourner.

La prédilection de Cavafis pour cet hellénisme hérité de la conquête d’Alexandre restera intacte durant tout son itinéraire.

Constantin Cavafis

Constantin Cavafis

Ηρώδης Αττικός

Α του Ηρώδη του Αττικού τί δόξα είν’ αυτή.

Ο Αλέξανδρος της Σελευκείας, απ’ τους καλούς μας σοφιστάς,

φθάνοντας στας Αθήνας να ομιλήσει,

βρίσκει την πόλιν άδεια, επειδή ο Ηρώδης

 

ήταν στην εξοχή. Κι η νεολαία

όλη τον ακολούθησεν εκεί να τον ακούει.

Ο σοφιστής Αλέξανδρος λοιπόν

γράφει προς τον Ηρώδη επιστολή,

και τον παρακαλεί τους Έλληνας να στείλει.

Ο δε λεπτός Ηρώδης απαντά ευθύς,

«Έρχομαι με τους Έλληνας μαζί κι εγώ».—

 

Πόσα παιδιά στην Αλεξάνδρεια τώρα,

στην Αντιόχεια, ή στην Βηρυτό

(οι ρήτορές του οι αυριανοί που ετοιμάζει ο ελληνισμός),

όταν μαζεύονται στα εκλεκτά τραπέζια

που πότε η ομιλία είναι για τα ωραία σοφιστικά,

και πότε για τα ερωτικά των τα εξαίσια,

έξαφν’ αφηρημένα σιωπούν.

Άγγιχτα τα ποτήρια αφήνουνε κοντά των,

και συλλογίζονται την τύχη του Ηρώδη —

ποιός άλλος σοφιστής τ’ αξιώθηκεν αυτά; —

κατά πού θέλει και κατά πού κάμνει

οι Έλληνες (οι Έλληνες!) να τον ακολουθούν,

μήτε να κρίνουν ή να συζητούν,

μήτε να εκλέγουν πια, ν’ ακολουθούνε μόνο.

 

[1912]

De la main du poète.

De la main du poète.

Hérode Atticus

Ah, quelle gloire que celle d’Hérode d’Atticus.

Alexandre de Séleucie, l’un de nos bons sophistes,

arrivant à Athènes pour une conférence,

trouve la ville déserte, parce qu’Hérode

était à la campagne. Et la jeunesse entière

l’y avait suivi pour l’écouter.

Alors Alexandre le sophiste

adresse une lettre à Hérode

où il le prie de lui envoyer les Grecs.

Et le spirituel Hérode de répondre aussitôt :

« J’arrive avec les Grecs, moi aussi. »-

 

Combien de jeunes gens en ce moment à Alexandrie,

à Antioche, ou à Béryte

(ces rhéteurs à venir que se prépare l’hellénisme),

quand ils se réunissent à des tables d’élite

où tantôt la conversation roule sur les beautés du style,

et tantôt sur leurs délicates aventures amoureuses,

l’esprit ailleurs, soudain se taisent.

Ils laissent près d’eux leurs verres intacts,

et songent à la chance d’Hérode-

quel autre sophiste en a mérité autant ? —

quoiqu’il désire et quoiqu’il fasse,

les Grecs (les Grecs !) le suivent,

sans contestation ni murmure, ils n’ont même pas

le choix, ils n’ont qu’une chose à faire : le suivre.

 

La maison (musée) de Cavafis à Alexandrie (Egypte).

La maison (musée) de Cavafis à Alexandrie (Egypte).

Mais qui était Hérode Atticus ?

 

Hérode Atticus (Ἡρώδης ὁ Ἀττικός), de son nom romain Lucius Vibullius Hipparchus Tiberius Claudius Atticus Herodes, est un rhéteur grec (celui qui enseigne l’art de la parole) célèbre pour sa fortune et pour ses actions de mécénat public.

Buste d'Hérode Atticus - Le Louvre

Buste d'Hérode Atticus - Le Louvre

Hérode Atticus naît à Marathon en 101, sous le règne de Trajan. Son illustre famille athénienne est immensément riche et elle jouit de la citoyenneté romaine.

Il accroit encore la fortune familiale en épousant la riche Aspasia Annia Regilla (139-160). Il fut coopté au Sénat romain avec le rang d'ex-préteur par Trajan et nommé grand-prêtre du culte impérial.

Dans sa jeunesse, il accompagne à Rome son père et apprend le latin. De retour à Athènes, il apprend la philosophie et l’art oratoire.  Il est destiné très jeune à une carrière de rhéteur.

En 117, Trajan meurt et Hadrien, philhellène notoire, accède au trône impérial. Hérode Atticus, âgé d'à peine dix-sept ans, est envoyé en délégation auprès du nouvel empereur. Intimidé, le jeune Hérode ne parvient pas à terminer son discours ; rouge de honte, il menace de se jeter dans le Danube. Il poursuit alors ses études jusqu'au début de la trentaine.

Hérode obtient sa première charge publique en 122 : il est agoranome, c'est-à-dire chargé de la surveillance des prix des denrées agricoles. En 126-127, il est élu archonte éponyme ; les éphèbes du gymnase et la cité lui consacrent une statue en remerciement pour ses actions de mécénat. L'année suivante, Hadrien effectue une seconde visite à Athènes. Hérode figure officiellement parmi les amis de l'empereur.

Hérode commence à se faire connaître comme orateur et comme professeur de rhétorique. Il compte notamment parmi ses élèves Marc Aurèle, le futur empereur. En 135, il est nommé corrector (inspecteur des finances impériales) des cités libres d'Asie mineure. Il visite Smyrne et Laodicée. Il se consacre particulièrement à Alexandrie de Troade, dépensant plus du double du budget approuvé par Hadrien pour la construction d'un aqueduc. Alors que l'Empereur se plaint, Hérode répond qu'il n'y a pas lieu de s'en faire et prend en charge la différence. Au sortir de sa fonction, Hérode se consacre de nouveau à la rhétorique.

En 139, Hérode est choisi pour présider la commission des Grandes Panathénées. À cette occasion, il fait rénover le stade panhellénique en marbre blanc. Dans le même temps, il épouse Appia Annia Regilla, apparentée aux Antonins ; il en a cinq enfants, dont deux fils.

En 143, Hérode est nommé consul ordinaire, peut-être en remerciement pour l'éducation de Marc Aurèle. À sa sortie de charge, il assiste aux Grandes Panathénées dans son nouveau stade panhellénique. En 147, Hérode reconstruit de même le stade des jeux Pythiques à Delphes.

Le stade d'Athènes (en haut) et celui de Delphes (en bas), tous deux restaurés par Hérode Atticus.
Le stade d'Athènes (en haut) et celui de Delphes (en bas), tous deux restaurés par Hérode Atticus.

Le stade d'Athènes (en haut) et celui de Delphes (en bas), tous deux restaurés par Hérode Atticus.

Hérode adopte trois jeunes gens, Achille, Memnon et Polydeukion. Tous trois trouvent la mort avant 150, dans des circonstances qui ne nous sont pas connues. Hérode en est violemment affecté, en particulier pour Polydeukion, son préféré, mort en 147-148.

L'amour d'Hérode pour son fils adoptif Polydeukion fut un objet de scandale, non pas en raison de l’âge ou du sexe du garçon, mais plutôt à cause de son intensité, considérée comme excessive et indécente. Quand l’adolescent mourut prématurément, Hérode, comme Hadrien avait fait pour Antinoüs, fit faire des statues et des monuments en son honneur.

L'amour d'Hérode pour son fils adoptif Polydeukion fut un objet de scandale, non pas en raison de l’âge ou du sexe du garçon, mais plutôt à cause de son intensité, considérée comme excessive et indécente. Quand l’adolescent mourut prématurément, Hérode, comme Hadrien avait fait pour Antinoüs, fit faire des statues et des monuments en son honneur.

Les discours d'Hérode reçoivent un accueil enthousiaste lors des Jeux Olympiques de 153 : la foule l'acclame comme un second Démosthène

Le reste de la décennie 150 est plus sombre : son fils aîné Regillus et sa fille Athenais meurent, suivis par sa femme Regilla, tuée par l'un de ses affranchis. Il fait bâtir en l'honneur de cette dernière l'Odéon qui porte aujourd'hui son nom à Athènes. Malgré tout, la rumeur l'accuse d'avoir fait tuer sa femme. Enfin, sa dernière fille, Elpinice, meurt en 161.

Hérode meurt de la tuberculose à la fin de l’année 177. Il a lui-même rédigé son épitaphe :

« Ci-gît Hérode de Marathon, fils d'Atticus. Sa dépouille repose dans ce tombeau, sa renommée parcourt le monde. »

Sources

Le développement de l’érotisme dans la poésie de Constantin Cavafy - La mise en œuvre littéraire de l’érotisme - Presses universitaires de la Méditerranée (openedition.org)

Hérode Atticus — Wikipédia (wikipedia.org)

Constantin Cavafis, "En attendant les barbares et autres poèmes", Traduit du grec et présenté par Dominique Grandmont, Editions Gallimard, 20003

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