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Publié par Andreas N.

La Corse, ancienne Cyrnos

Bien des hypothèses existent sur l'origine du nom donné à l'île de Corse. Parmi les plus tenaces, celle qui voudrait que les Grecs l'aient appelée Kallistê (en grec ancien Καλλίστη : « la plus belle ») et dont on pense à présent qu'elle relève de la légende.

La Corse, ancienne CyrnosLa Corse, ancienne Cyrnos

La Corse était en fait nommée Cyrnos par les Grecs (en grec ancien : ΚύρνοςKúrnos).

D’après Pline l'Ancien (Naturalis Historia) : « Corsica, quam Graeci Cyrnon appellavere », la Corse, appelée par les Grecs Cyrnos ...

Le savant Ptolémée (~100 - ~168) écrit : « L’île de Cyrnos était baignée au nord par la mer de Ligurie (Ligusticum mare), à l'est par la mer Tyrrhénienne, au sud par le détroit Taphros ou Gallicum qui la séparait de la Sardaigne (Sardinia), à l'ouest par la mer Ibérique ».

Claude Ptolémée, d'après une gravure allemande du XVIème siècle

Claude Ptolémée, d'après une gravure allemande du XVIème siècle

La plus belle ? … Pourtant, le géographe grec Strabon (~60 av. JC - ~20 ap. JC) n’a pas une très bonne opinion de la Corse :

« L'île de Cyrnos, que les Romains appellent Corsica, est un pays affreux à habiter, vu la nature âpre du sol et le manque presque absolu de routes praticables, qui fait que les populations confinées dans les montagnes et réduites à vivre de brigandages, sont plus sauvages que les bêtes fauves. C'est ce qu'on peut, du reste, vérifier sans quitter Rome, car il arrive souvent que les généraux romains fassent des descentes dans l'île, attaquent à l'improviste quelques-unes des forteresses de ces barbares et enlèvent ainsi un grand nombre d'esclaves ; on peut alors observer de près la physionomie étrange de ces hommes farouches comme les bêtes des bois ou abrutis comme les bestiaux, qui ne supportent pas de vivre dans la servitude, ou qui, s'ils se résignent à ne pas mourir, lassent par leur apathie et leur insensibilité les maîtres qui les ont achetés, jusqu'à leur faire regretter le peu d'argent qu'ils leur ont coûté. Il y a cependant certaines portions de l'île qui sont à la rigueur habitables et où l'on trouve même quelques petites villes, telles que Blésinon, Charax, Eniconiæ et Vapanes. »

Strabon d'Amasée, gravure du XVIème siècle

Strabon d'Amasée, gravure du XVIème siècle

Légendes ou Histoire

 

D’après Colonna De Cesari-Rocca et Louis Villat in Histoire de Corse (Ancienne librairie Furne Boivin & Cie, Éditeurs, 5 rue Palatine Paris VIe) :

« De vieux auteurs l'assurent et, dans la légende qu'ils nous ont transmise, une réalité précise apparaît sans doute. Une femme de la côte de Ligurie, voyant une génisse s'éloigner à la nage et revenir fort grasse, s'avisa de suivre l'animal dans son étrange et longue course. Sur le récit qu'elle fit de la terre inconnue qu'elle venait de découvrir, les Liguriens y firent passer beaucoup de leurs compagnons. Cette femme s'appelait Corsa, d'où vint le nom de Corse. C'est la légende éponyme que nous retrouvons à l'origine de toutes les cités antiques ; mais elle est de formation récente, car le premier nom de l'île est Cyrnos et non pas Corsica.

[…] Il y a d'autres légendes, et plus prestigieuses, sinon moins fantaisistes. Un fils d'Héraclès, Cyrnos, aurait colonisé la Corse en lui donnant son nom. Giovanni della Grossa (ndlr, écrivain 1388-1464) croit que la Corse a été peuplée par un chevalier troyen, appelé Corso ou Cor, et une nièce de Didon, nommée Sica, que Corso a bâti les villes de l'île et leur a donné les noms de ses fils et de son neveu, Aiazzo, Alero, Marino, Nebbino. C'est ainsi que la Grande-Bretagne a eu son Brut, la France son Francus et que la Corse a son Corso, neveu d'Enée ».

Rhyton en forme de chien, trouvé en Corse (céramique antique)

Rhyton en forme de chien, trouvé en Corse (céramique antique)

Site archéologique d'Aléria

Site archéologique d'Aléria

Dans son étude sur l'occupation de l'île, Xavier Poli (historien français, né à Poggio-di-Venaco en 1861 et mort à Laon en 1923), écrit : « L'unique texte sur lequel nous pouvons nous appuyer, pour avancer que les Libyens ont occupé la Corse, est tiré de la Phocide de Pausanias, qui écrivait au iième siècle de notre ère : « À peu de distance de la Sardaigne, il est une île appelée par les Grecs Cyrnos et par les Libyens qui l'habitent Corsica ». Une partie non minime de la population, écrasée dans une sédition, passa de cette île dans celle de Sardaigne et se tailla dans la montagne un territoire où elle s'établit. Les Sardes nomment ces émigrés du nom qu'ils ont apporté de leur pays, Corses ».

« La légende est plus précise, Sardus fils d'Hercule et fondateur mythique de la Sardaigne aurait eu un frère Cyrnos. À la tête d'une nombreuse armée de Libyens, l'un et l'autre auraient quitté l'Afrique pour venir s'installer, le premier en Sardaigne, le second en Corse, donnant leurs noms aux deux îles ».

La Corse, ancienne Cyrnos

Et Xavier Poli de conclure : « C'est de Chalcis, principale ville de l'Eubée, que partit la plus ancienne colonie que la Grèce envoya vers l'Occident ; elle alla fonder Cumes entre le xième et le viiième siècle av. JC. Nous savons qu'un des points du territoire de Carystos, une des plus jolies villes de l'Eubée, portait le nom de Cyrnos. Il semblerait donc vraisemblable que Corsica fut baptisée Cyrnos par les colons de Cumes ; mais il convient aussi de dire que Cyrnos est un nom propre d'homme que nous trouvons dans Hérodote et dans Stobée ».

L'Eubée, en Grèce

L'Eubée, en Grèce

Pour sa part, dans son ouvrage « Histoire de la Corse depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours » édité en 1839, Camille De Friess-Colonna s'exprime ainsi :

« Aucun historien n'a jusqu'à ce jour donné une étymologie satisfaisante des noms de Cyrnos et de Corse. Les uns assurent que Cyrnos était un fils d'Hercule, qui donna son nom au pays que nous connaissons. Les autres, […], prétendent que le nom de Cyrne voulant dire, en langue phénicienne, couvert de forêts, ce nom dut être imposé à la Corse d'aujourd'hui par les voyageurs phéniciens, qui furent frappés de la richesse de ses forêts.

Quant au nom de Corse, il y a également des historiens qui veulent qu'il ait été donné à l’île par Corsus, fils d'Hercule ; […] le fait dériver d'un mot phénicien, qui voudrait dire cornue, nom qui lui aurait été imposé à cause des nombreux promontoires qui s'avancent en pointe dans la mer, et des pics élevés qu'on aperçoit de loin, avant de l'atteindre. Filippini (ndlr 1529-1594) rapporte deux versions, que nous croyons devoir transcrire ici, pour faire voir jusqu'où peut aller la manie des étymologies. Voici la première : une femme de Ligurie, appelée Corsica, ayant suivi un taureau qui se rendait à la nage dans une terre inconnue, fut rejointe par ses parents, qui, étant arrivés sur ses traces dans un pays de très belle apparence, et où les pâturages étaient excellents, s'y établirent et appelèrent ce pays Corsica, du nom de la femme qui les y avait attirés. La seconde est qu'un neveu d'Énée appelé Corsus, ayant enlevé une nièce de Didon, appelée Sica, s'enfuit dans l'île à laquelle il donna le nom de Corsica. ».

Énée racontant à Didon les malheurs de la ville de Troie. Pierre-Narcisse Guérin (1815)

Énée racontant à Didon les malheurs de la ville de Troie. Pierre-Narcisse Guérin (1815)

Par ailleurs, il est possible que le nom original (IIème millénaire avant JC) ait été Syrnos, qui fait référence au mot Sirènes. Dans ce cas, Cyrnus / Corse pourrait être l’île des Sirènes (ou Sirenousses) mentionnées dans l’Odyssée d’Homère.

Les Sirènes tentent d'attirer Ulysse. Mosaïque romaine trouvée en Tunisie. Musée du Bardo

Les Sirènes tentent d'attirer Ulysse. Mosaïque romaine trouvée en Tunisie. Musée du Bardo

Un lien donc avec l’Iliade et l’Odyssée ? Une origine du nom dans la mythologie antique, phénicienne ou grecque ? L’installation de Ligures ou de Lybiens … ? Tout cela montre que la Corse est parfaitement liée à l’histoire de la méditerranée. Aujourd’hui, les Grecs l’appellent Korsiki !

La Corse, ancienne Cyrnos
La Corse, ancienne CyrnosLa Corse, ancienne Cyrnos
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A
Le rhyton est extraordinaire! Bises Annie
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