29 Octobre 2023

Publié par Andreas N.

Maurice DRUON, dans la peau de Zeus

Résistant puis académicien, l’écrivain Maurice DRUON (1918-2009) s’est mis dans la peau de Zeus, roi des dieux et des humains, le temps d’un délicieux récit fictif, « Les Mémoires de Zeus », écrit entre 1962 et 1967.

« Les mythes constituent la mémoire collective de l’humanité », Maurice Druon, préface 1967

Maurice Druon est né le 23 avril 1918, à Paris. Ecrivain, politique et historien, il commence à publier dès l'âge de dix-huit ans et reçoit le prix Goncourt en 1948 pour Les Grandes Familles. Entré à l'Académie française en 1966, il est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages.

Pendant la seconde guerre mondiale, Maurice Druon est démobilisé et s'engage dans les rangs de la France libre. Il gagne clandestinement Londres et devient journaliste pour la BBC.

Avec son oncle Joseph Kessel (1898-1979), il écrit le Chant des partisans (1943) avant de se consacrer à la littérature.

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Les Stentors - Le chant des partisans (Clip officiel) - YouTube

Il devient célèbre grâce à la suite romanesque historique des Rois maudits écrite entre 1955 et 1977 (7 tomes) puis adaptée à la télévision.

Sur le plan politique, Maurice Druon est gaulliste ; ses prises de position sont conservatrices. Il devient ministre des Affaires culturelles sous le président Pompidou en 1973-1974 et député de Paris de 1978 à 1981.

Il décède le 14 avril 2009 à Paris.

À ceux qui pensent que vivre pour un dieu est aisé, je dis : « Détrompez-vous ». Aux mortels qui croient que notre vie n'est que volupté et délices, je dis : « Apprenez de votre erreur ». Ayant échappé à l'infanticide, j'ai grandi seul, caché sur une île. Je suis devenu homme, et, guidé par ma grand-mère Gaïa, j'ai concocté un plan afin de renverser mon père, Cronos, maître de l'Olympe. Seul, j'ai appris la vie, l'amour, la mort et la colère. J'ai levé une armée, j'ai réveillé les géants, j'ai libéré mes frères et mes sœurs. J'ai accompli mon destin !

Dans ce livre, Druon rend hommage à la Grèce, à la culture antique et aux études classiques qui, hélas, semblent disparaître aujourd'hui de nos sociétés. Il nous restitue une théogonie dans un style littéraire ; il définit un panthéon des dieux ordonné autour d’un Zeus humanisé à souhait.

Le Parnasse (1511), par Raffaello Sanzio ou Raphaël (1483-1520) Musée du Vatican, Rome.

Zeus nous fait part de son destin et de ses doutes (p. 105) : « Et je conservai pour moi le gouvernement direct de la terre et de l’air. Je connus bientôt la peine d’être roi. »

« Je me dépensais le plus que je pouvais, passais d’une région à l’autre, allais presser dans leur ouvrage les Saisons, les dieux-fleuves et les nymphes des champs. » … « Mais à mesure que la tâche avançait, j’en découvrais l’immensité, et doutais par moments d’en venir jamais à bout. »

Zeus et Cupidon

Zeus parcourt le monde grec (p. 143) : « La Grèce n’était pas exactement alors ce qu’elle est aujourd’hui » … « Mais déjà la Grèce offrait ce mélange de douceur et de pathétique ».

« La Grèce est à la mesure de l’homme, ou plus précisément, elle est la mesure de l’homme. »

Plage du Péloponnèse

Druon fait parler le roi de l'Olympe qui raconte sa propre histoire à la première personne. « Moi Zeus, roi des dieux, dieu des rois, je vais vous conter mon histoire. »

Zeus, marbre du musée du Louvre-Lens, France.

Le destin des dieux était alors étroitement lié à celui de l'Homme, tous deux issus de la même nature.

Après deux mille ans, Zeus nous dévoile son regard sur notre monde :

« Moi, Zeus, j’ai fait un long somme » ... « A chaque voyage, je voyais davantage vos meilleures civilisations se désagréger » (p.339).

Il nous raconte comment il devient maître de l’Olympe et combien il a aimé ...

La jeunesse de Zeus, par Jacob Jordaens

Son adolescence auprès d’Amalthée (p. 48) : « Je me sentis parcouru d’une onde étrange qui soulevait mon cœur d’une force à la fois inquiétante et joyeuse. » ; « Ô Amalthée, que tu étais belle, à la renverse étendue sur les eaux, le front couronné d’or, le ventre voilé de moire transparente et bleutée … ».

La naissance d'Athéna, Péliké attique à figures rouges, 460-450 av. JC, British Museum, Londres

Ses amours avec Métis et la naissance d’Athéna (p.56) : Métis lui dit : « Un enfant va naitre de moi. Il faut qu’il t’aide et non te jalouse, te seconde mais non te supplante. C’est une fille que tu dois engendrer. Pense à la fille que tu vas faire. » ; et lui : « J’ai pensé Athéna en l’engendrant ; je l’ai vraiment conçue ; voilà ce qu’il faut comprendre quand on dit qu’elle surgit, toute armée de ma tête. »

Diane de Versailles, Le Louvre

Zeus parle d’Artémis avec quelque regret (p. 191) : « La beauté d’Artémis, faut-il que je vous la décrive ? […] mais cette beauté-là, nul mâle n’a pu l’étreindre. »

Ganymède par Thorvaldsen

Quant au beau Ganymède (p. 334) : « Nul mortel jamais ne fut ni ne sera plus beau. » … et, s’adressant aux hommes « Dès lors que vous pouvez, uniques en cela parmi les espèces, dissocier l’amour de la procréation, pourquoi feriez-vous peser un interdit sur les inclinations masculines ? »

Druon, par la voix de Zeus, regrette la disparition du monde des Anciens Grecs (p. 339) : « Je voyais se fermer les temples d’Egypte, […]. Je voyais la Grèce et l’entier empire de mon fils Alexandre passer aux mains de Rome. »

Enfin, Zeus n’est pas un dieu comme les autres : « Il vaut mieux penser que croire. » (p.341) ; puis il conclut : « Naître, c’est recevoir une fonction ; vivre, c’est la remplir. »

Maurice Druon eut une vie bien remplie et reçut de nombreux honneurs.

Les honneurs de Maurice Druon : Membre associé de l’Académie du Royaume du Maroc (1980), de l’Académie d’Athènes (1981), de l’Académie brésilienne des Lettres (1995), de l’Académie roumaine (1996), de l'Académie des Sciences de Russie (2006), docteur honoris causa de l’université York (Ontario), de Boston University, de l'université de Tirana (Albanie), Commandeur de l'ordre du Phénix (Grèce) …