Le mystère de la poêle à frire

L’archéologie, qui consacre son travail à l'étude d’objets fabriqués par l'homme, a encore de nombreux mystères à élucider et c’est tant mieux. Parmi ces mystères, demeure celui de la poêle à frire !

Non, celle-ci n’est pas un mystère !!

Par contre, celles-ci … poêles, miroirs ou autres ustensiles ?

Les « poêles à frire » sont des objets antiques en céramique dont l’utilité est encore incertaine. Ils ont été découverts en Mer Égée dans différents lieux des Cyclades. Environ 200 « poêles à frire » ont été exhumées à ce jour dans le monde grec.

Les Cyclades en Mer Egée.

Voici quelques exemples de ces objets :

« Poêle à frire » avec décoration en spirale, Cycladique ancien I–II (vers 2700 av. J.-C., de Syros ?)

« Poêle à frire » avec décoration d'un bateau. Cycladique ancien II, Syros (Culture Keros-Syros, 2800-2300 av. J.-C.)

"Poêle à frire" en schiste avec spirales. Cycladique ancien I-II Naxos ? Musée national archéologique d'Athènes

La civilisation cycladique

Pour repère, voici les trois périodes du Cycladique :

le Cycladique Ancien I (CA I) (3200 - 2800) ou période Grotta-Pelos ;
le Cycladique Ancien II (CA II) (2800 - 2300) ou période Kéros-Syros ;
le Cycladique Ancien III (CA III) (2300 - 2000) ou période Phylakopi.

On doit le nom de « civilisation cycladique » ou « civilisation des Cyclades » à l’archéologue grec Christos Tsountas (1857-1934). Tsountas a mené plusieurs fouilles dans les Cyclades (1894, 1897-1898) : à Kastri-Chalandriani, dans l'île de Syros, dans les îles d'Amorgós (1894), de Paros, d'Antiparos, dans l'îlot de Despotiko (1897), dans l’île de Siphnos (juillet 1898) puis de nouveau dans l'île de Syros (août - octobre 1898).

Chrístos Tsoúntas (Χρήστος Τσούντας)

De cette civilisation, sont plus connues les idoles de marbre retrouvées en Egée ainsi que jusqu'au Portugal et à l'embouchure du Danube, ce qui prouve son dynamisme.

Figurine féminine.

Quant à ces étranges objets qui ressemblent à des poêles (d'où le nom de « poêle à frire »), plusieurs hypothèses ont été faites sur leur fonction. Richement décorées et fabriquées avec soin, ces poêles ont généralement été trouvées dans des tombes ; mais leur relative rareté n'aide pas à comprendre leur fonction spécifique. De plus, nous n’avons pas de documents écrits datant de l’époque cycladique pour mieux connaitre cette civilisation de l’âge du bronze.

Musée de Naxos

Description de ces poêles :

Elles ont un diamètre compris en 20 et 28 centimètres, un rebord en relief et une anse. Toute la décoration tend à apparaitre sur le bord extérieur et sur la base. Les motifs sont poinçonnés ou incisés. Les poignées varient beaucoup. Certaines poignées semblent plus décoratives qu'utilitaires.

On distingue deux types de « poêle à frire » :

- Le « type Kampos », issu du cycladique ancien, est caractérisé par une face plate décorée par des lignes incisées en spirales. Sa poignée est rectangulaire avec une barre transversale. La figure principale commune est une spirale incisée tournant autour d'une étoile centrale.

- Le « type Syros ». Dans ce type, la face concave n'est pas décorée et la poignée est double. Les décorations principales sont des cercles ou des spirales concentriques et gravées, souvent accompagnées par des incises en forme de bateaux.

Les motifs de ces « poêles à frire » peuvent être :

De grandes étoiles avec des cercles ou des bandes à l'intérieur
Des motifs triangulaires sur les bords
Des cercles concentriques
Des motifs semblables à des roues
Plusieurs petites spirales groupées
Des navires (avec des rames et des bannières en forme de poissons)

Les fonctions supposées de ces « poêles à frire » varient largement mais les hypothèses les plus communes sont les suivantes :

Des assiettes
Des ustensiles de cuisine
Des miroirs
Des tambours
Des objets cultuels ou religieux
Des récipients pour libations
Des pyxides …

Une femme place sa tunique dans un coffre au Vème siècle avant notre ère. Relief grec

L'hypothèse du miroir est peut-être la plus intéressante. Cela justifierait les décorations souvent sophistiquées. De plus, les miroirs anciens que nous connaissons sont souvent décorés sur leur face arrière. Mais la céramique ne réfléchit pas ; il a donc été suggéré que ces "poêles", remplies d'eau ou d'huile, produiraient un effet miroir. Une étude a même conclu que la meilleure réflexion s'obtenait avec de l'huile d'olive noircie …

Miroir en métal. Le Louvre.

L'hypothèse d'assiettes est assez neutre dans la mesure où un plat peut être aussi bien un objet décoratif que religieux. Il est peu probable qu'il s'agisse d'ustensiles de cuisine car il n'y a ni traces de cuissons ni reste de nourriture ; de plus ces objets ont été retrouvés dans un contexte funéraire. La théorie des tambours est peu probable puisque l'on s'attendrait à voir des trous sur les bords de façon à tendre la peau de l'instrument.

Il n'est donc pas interdit d’imaginer d’autres hypothèses ou de faire sienne une hypothèse existante. Cela grâce à l’archéologie, cette science passionnante et évolutive …