La Souda, une encyclopédie grecque
Est-ce le nom de l’ouvrage, de l’auteur, des auteurs … ? La Souda (grec ancien : Σοῦδα / Soûda) ou Suidas (Σουίδας / Souídas) est une encyclopédie grecque, peu connue, de la fin du xème siècle. Le nom, la date de rédaction, l'identité de son ou de ses auteurs posent de délicats problèmes aux chercheurs. La Souda constitue cependant un ouvrage de référence, en particulier pour les citations, très souvent utilisé dans les travaux portant sur l'Antiquité.
La Souda est en fait un dictionnaire et une encyclopédie. Elle présente à la fois des définitions de mots rares en grec ancien, des formes grammaticales complexes ; elle propose des commentaires sur des personnes, des lieux ou des institutions.
Ses sources sont souvent bibliques ou antiques et elle ne fournit que peu de renseignements sur l'époque byzantine. L'ouvrage a été écrit dans l'empire byzantin mais il a été publié pour la première fois en Europe occidentale en 1499, à Milan, sur l’initiative de l’érudit Démétrios Chalcondyle, avec pour titre « Lexicon græcum ».
Démétrios Chalcondyle (Démétrius Chalcocondylas, en grec Δημήτριος Χαλκοκονδύλης) (1423-1511) est un auteur byzantin qui a contribué à répandre à l'Ouest de l'Europe la connaissance et le goût des lettres grecques.
Un million et demi de mots, 31 342 entrées portant sur des données historiques, biographiques et lexicographiques. Le classement respecte un système à la fois alphabétique et phonétique : les diphtongues (combinaison de deux voyelles) sont classées après les voyelles simples. Ainsi αι / ai est classé après ε epsilon. Et ω oméga vient juste après ο omicron, ce qui ne correspond pas au classement alphabétique grec classique.
- L’Onomatologion ou Pinax d'Hésychios de Milet (Ησύχιος ο Μιλήσιος, historien et biographe du vième siècle)
Parmi les autres sources abondamment utilisées figurent :
- les Excerpta de Constantin Porphyrogénète,
- la Chronique de Georges le Moine,
- les biographies de Diogène Laërce,
- les travaux d'Athénée et de Philostrate.
Par la suite, la Souda fut remaniée à de nombreuses reprises au cours des siècles.
Art Byzantin. Encrier du calligraphe Léon, argent doré, fin du IXème ou début du Xème siècle. Padoue, trésor de la cathédrale.
Un contexte de renouveau littéraire aux ixème et xème siècles :
Cette époque est appelée la « renaissance macédonienne » car elle se manifesta surtout sous la dynastie macédonienne, du règne de Basile Ier à celui de Constantin IX. Elle se distingua par la volonté de rassembler, de copier et de structurer la culture helléno-chrétienne de l’antiquité tardive. Ce fut donc l’époque des manuels dans différents domaines : hiérarchie bureaucratique (taktika), stratégie ou tactiques militaires (strategika), droit romain (basilika) ou règles à suivre par les corporations de la capitale (Le livre de l’éparque). Constantin VII Porphyrogénète et sa cour donnèrent le ton avec une série de traités (De thematibus, De administrando imperio, De ceremoniis).
Des fonctionnaires civils assemblèrent et publièrent ainsi les textes des maîtres anciens comme Platon, Homère et Aristote.
La grande nouveauté fut le remplacement de l’écriture onciale, basée sur la majuscule et l’ancienne cursive romaine utilisée du iiième au viiième siècle, par la minuscule caroline. Toutefois, la langue populaire demeura proscrite et de nombreuses vies de saints furent réécrites dans un langage archaïsant et pompeux.
Page du Ménologe de Basile II (Xème ou XIème siècle). Le titre est en onciale, le texte en minuscules.
Auteur unique ou ouvrage collectif ?
Pour certains, Suidas (ou Souidas) est un compilateur de la fin du ixème siècle connu pour ce seul ouvrage, peut-être un lexicographe grec de cette époque. Cet érudit aurait rédigé une première mouture, modifiée et augmentée par les copistes successifs.
Pour d'autres, il s'agit d'une compilation effectuée par un collectif de savants, corrigée et augmentée par les copistes qui se sont succédés jusqu'à sa première impression.
Datation :
L'incertitude sur la date de sa composition a persisté jusqu’au xixème siècle. L'ouvrage est maintenant daté de la fin du xème siècle.
Sous l'article « Adam », l'auteur donne une brève chronologie de l'histoire mondiale qui s'achève avec la mort de l'empereur Jean Ier Tzimiskès (976), tandis que dans l'article « Constantinople » sont mentionnés ses successeurs Basile II et Constantin VIII : la question est de savoir s'il s'agit ou pas d'un ajout plus tardif que le texte original.
Origine du nom :
En 1998, l’historien Bertrand Hemmerdinger (1921-2017) considère que Suidas est le nom du créateur ou du responsable de la rédaction.
Une autre interprétation explique le titre comme un acronyme constitué à partir des lettres de « Sunagogè onomastikès ulès di alphabeton » ou bien « diaphorôn andrôn », soit « rassemblement du matériel onomastique selon l’alphabet », ou « selon différents hommes », ce qui pourrait encore signifier « lexique alphabétique ou lexique biographique » ou « classement selon différents historiens ou différents auteurs ».
Enfin, on peut y voir, en grec byzantin, le mot « forteresse », « douve », et en latin guida ou summa (« somme ») …
A cette époque, le goût de l'humanisme antique amorce une véritable renaissance. L'érudition et le culte des œuvres du passé ne se dressent pourtant pas contre le christianisme. Tout contribue à former la conscience nationale dans l'Empire byzantin.
Ce goût de l'érudition est encouragé par les empereurs, souvent eux-mêmes écrivains et auteurs de traités ; la philologie est illustrée par la Souda.
Les événements extérieurs, notamment la menace de l'Islam, inspirent la poésie. Le xème siècle marque le début des chants populaires. Un cycle épique se constitue autour du héros Digénis Akritas. Le champ de la poésie s'étend de la production populaire orale jusqu’à la littérature écrite.
Travaux des champs décrits dans un évangéliaire byzantin du XIème siècle (Bibliothèque nationale de France, Paris).