Théodoros STAMOS et l’affaire Rothko
Théodoros STAMOS (Θεόδωρος Στάμος) était un artiste peintre gréco-américain. Il a vu le jour le 31 décembre 1922 à New-York dans une famille d’immigrés. Sa mère était originaire de Sparte et son père avait grandi sur l’île de Leucade. Il est décédé le 2 février 1997 à Ioannina (Grèce).
Stamos était l'un des plus jeunes peintres du groupe des expressionnistes abstraits, surnommé les Irascibles, qui comprenait entre autres Jackson Pollock (1912-1956), Willem de Kooning (1904-1997) et Mark Rothko (1903-1970). Sa carrière sera malheureusement affectée de façon négative par son implication dans ce qu’on appellera l'affaire Rothko.
« L'expressionnisme abstrait » est un mouvement artistique qui s'est développé aux Etats-Unis peu après la seconde guerre mondiale. Il constitue un élément central de l'avant-gardiste « Ecole de New York ». Ce mouvement se caractérise par un certain type de peinture, de sculpture et de photographie.
Stamos nait dans le quartier du Lower East Side à Manhattan. Adolescent, il obtient une bourse d'études et fréquente l'American Artists School. Son professeur Joseph Solman (1909-2008), fondateur et membre des Dix (The Ten, groupe expressionniste), devient son mentor.
Lower East Side est le quartier de prédilection des immigrants en provenant d’Allemagne et de l’Europe de l’Est. A partir de 1920, il s’impose même comme le premier quartier juif de New York. Les immigrants s’installaient alors dans d’imposants bâtiments en briques, les « tenement buildings ». Les conditions de vie étaient plutôt précaires.
Le jeune Stamos visite l'influente galerie d'Alfred Stiglitz (1864-1946), An American Place Gallery, où il découvre, entre autres, les œuvres d'Arthur Dove (1880-1946) et de Georgia O'Keeffe (1887-1986). A la fin des années 30 et au début des années 40, Stamos occupe divers emplois, employé d'imprimerie, fleuriste, libraire … Au cours d'une de ces expériences professionnelles, chez un encadreur, il rencontre des membres de l'avant-garde européenne, notamment Arshile Gorky (1904-1948) et Fernand Léger (1881-1955).
Alfred Stiglitz, 1902 : photographe, galeriste et éditeur américain. Promoteur de l'art moderne tant européen qu'américain au cours de ses 50 ans de carrière, il a contribué à faire de la photographie une forme d'art reconnue.
En 1943, alors que Stamos est âgé de 21 ans, la galeriste Betty Parsons (1900-1982) organise pour lui une exposition dans la Wakefield Gallery and Bookshop. Parsons devient un important soutien de Stamos ; elle est en lien étroit avec le milieu artistique new-yorkais de l’époque. Stamos commence ainsi à acquérir une certaine notoriété. Il exposera à plusieurs reprises ses œuvres avec Parsons jusqu’en 1957.
Parallèlement, de 1945 à 1951, le Whitney Museum of American Art lui consacre chaque année des expositions et l’on peut voir son travail au Carnegie Institut ainsi qu’à l'Art Institute of Chicago. Le Musée d'Art Moderne achète son tableau Sounds in the Rock (Sons dans la roche) en 1946 et le collectionneur Edward Wales Root (1884-1956), devenu un partisan de Stamos et en même temps un mécène de l'Institut Manson-Williams-Proctor, commence à acquérir des peintures de l'artiste.
Stamos s’intéresse particulièrement à l'histoire naturelle ; ses peintures combinent des couleurs ternes et terreuses avec une iconographie biomorphique, faisant allusion à des formes géologiques ou à des formes organiques primitives.
L'artiste Barnet Newman (1905-1970) dans sa présentation de l'exposition de Stamos en 1947 à la Betty Parsons Gallery, dit de lui : « ses idéogrammes capturent le moment d'attraction totémique entre la pierre et le champignon, les écrevisses et les algues. Il redéfinit l’expérience bucolique comme participation à la vie intérieure du phénomène naturel ».
A la fin des années 40, Stamos devient membre des 18 Irascibles, un groupe de peintres abstraits qui s'élèvent contre la politique du Metropolitan Museum of Art et contre le conservatisme des musées à l'égard de la peinture américaine. Le groupe pose pour une photo célèbre en 1950.
Stamos est au premier plan à gauche. Cette première génération d’expressionnistes abstraits comprenait : Willem de Kooning, Adolf Gottlieb, Ant Reinhardt, William Baziotis, Jimmy Ernst, Jackson Pollock, James Brooks, Clifford Steele, Robert Motherwell, Bradley Walker Tomlin, Barnet Newman et Mark Rothko. Ces artistes sont membres de l'école de New York et ont été appelés par dérision The Irritable par le magazine Life.
A cette époque, Stamos commence à explorer une nouvelle approche de l’abstraction. Inspiré par l'esthétique de l'Asie du Sud-Est, il crée la série de peintures Tea House, qui se caractérisent par des figures géométriques légèrement esquissées peintes avec une gamme limitée de couleurs et souvent recouvertes de coups de pinceau calligraphiques sombres.
Plus tard, dans les années 50, Stamos travaille avec des compositions qui sont devenues progressivement plus abstraites et simplifiées. Il explore l’utilisation de couches de peinture fine soigneusement conçues pour créer une sensation de profondeur sur ses larges surfaces colorées.
Stamos a beaucoup voyagé au cours de sa vie d'adulte. En 1946, il voyage en train au Nouveau-Mexique et sur la côte nord-ouest des Etats-Unis. En 1948 et 1949, il visite l’Europe dont la Grèce évidemment, puis probablement l’Égypte.
Ces voyages contribuent au développement de son esthétique et stimulent son intérêt profond pour les formes de religiosité à travers le monde.
En 1962, il commence plusieurs longues séries de tableaux, dont certains comportent des sous-séries. Dans la série Sun-Box, il explore des formes géométriques angulaires sur des surfaces planes. Après 1971, toutes ses peintures font partie de la série Infinity Field (Champ infinitésimal). Ces peintures abstraites se caractérisent par de larges surfaces colorées traversées par des lignes ou des formes fines, et donnent un sens subtil de la contemplation.
Stamos : Infinity Field
L'affaire Rothko :
De son vivant, Mark Rothko choisit son ami Stamos comme l'un des membres de la fondation en charge de la gestion de son héritage. Cela va conduire à l'implication de Stamos dans « l'affaire Rothko », un scandale judiciaire majeur dans le monde de l'art.
Un an après le suicide de Rothko (1970), sa fille poursuit en justice les membres de la fondation, ainsi que la Marlborough Gallery, pour mauvaise gestion et fraude.
Après douze années de procès et d’appels, il s'avère que de nombreuses peintures du peintre, vendues ou données pour exposition par la fondation à la Marlborough Gallery, ont été cédées à des prix délibérément bas à de bons clients de la galerie. La galerie percevait des commissions de 50%, taux extrêmement élevé pour un artiste du calibre de Rothko, qui est normalement d’environ 30%.
Les administrateurs se partageaient le produit de la vente à la Marlborough, à titre de rémunération. Stamos participe délibérément à cette conspiration et quitte même son ancienne galerie, André Emmerich, en faveur de Marlborough, aux conditions plus intéressantes.
Les accusés sont reconnus coupables et condamnés à une amende totale de 9 millions de dollars. Stamos paye sa part en transférant les droits de sa maison à la Fondation Rothko, mais est autorisé à y vivre de son vivant. Bien que le procès contribue à rendre Rothko encore plus célèbre, il nuit considérablement à la réputation de la galerie et de Stamos.
Stamos ne s'en est jamais remis artistiquement. Les galeries de premier plan comme celle d'Emmerich ne veulent plus l'exposer. Leur manque de soutien rend les collectionneurs sceptiques quant à la valeur de revente de ses toiles et conduit son travail à être classé dans la deuxième, voire la troisième catégorie des œuvres expressionnistes abstraites vers la fin de sa vie.
Son œuvre ne mérite pourtant pas d'être oubliée. D’ailleurs, une rétrospective a été organisée en 2010 à la Hollis Taggart Galleries de New-York, où a été présentée une cinquantaine de tableaux.
Théodoros Stamos a enseigné au Black Mountain College de 1950 à 1954 et de 1955 à 1975. Il a également enseigné à l’Art Students League de New York et à la Cennington School of the Arts.
Un an avant sa mort, il fait don de 43 de ses œuvres à la Galerie nationale de Grèce. Il est enterré à Leucade.
Sources
Photo en tête d'article : Stamos, Yellow Sun Box, 1976
Expressionnisme abstrait — Wikipédia (wikipedia.org)
Theodoros Stamos: Biographical Information (artopos.org)
Rothko, Pollock… Ce faussaire chinois qui a berné le monde entier | Beaux Arts
Theodoros Stamos Artist — Blondes Fine Art
Abstract Expressionist painter Theodoros Stamos - artnet Magazine