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Publié par Andreas N.

Les Femmes d'Amphissa, un exemple de solidarité

Les Femmes d'Amphissa (photo ci-dessus) est une peinture académique de Lawrence Alma-Tadema (1836-1912) réalisée en 1887 et actuellement conservée au Clark Art Institute de Williamstown (USA).

Cette huile sur toile (121 cm x 182 cm) met en scène les Thyiades, prêtresses de Dionysos, et les habitantes de la ville d’Amphissa. En 1889, Alma-Tadema reçoit à l'Exposition universelle de Paris une médaille pour ce tableau qui révèle sa virtuosité et incarne à la perfection le style victorien de la fin du xixème siècle.

Le Sterling & Francine Clark Art Institute, plus connu sous le nom de Clark Art Institute, Williamstown (Massachusetts).

Le Sterling & Francine Clark Art Institute, plus connu sous le nom de Clark Art Institute, Williamstown (Massachusetts).

Lawrence Alma-Tadema, né en 1836 à Dronrijp (Pays-Bas) et mort en 1912 à Wiesbaden (Empire allemand), est un peintre britannique d’origine néerlandaise.

Fils d’une famille aisée, son père, qui décède en 1840, est notaire de profession. Très tôt, Lawrence exploite ses dispositions artistiques ; en 1851, il peint un portrait de sa sœur qu'il numérote Op. [Opus] I, une pratique qu'il gardera tout au long de sa vie, sa dernière toile portant le numéro Op. CCCCVIII.

Autoportrait.

Autoportrait.

En 1852, Lawrence intègre l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers en Belgique. Ses professeurs belges sont Gustave Wappers (1803-1874) puis Nicaise de Keyser (1813-1887), connus pour leurs peintures d'histoire, leurs portraits et scènes de genre. Tous deux sont proches du mouvement romantique ; de Keyser, en particulier, encourage ses élèves à peindre des sujets historiques.

Académie d'Anvers.

Académie d'Anvers.

Quatre ans plus tard, Lawrence quitte l'académie et devient l'assistant du peintre Henri Leys (1815-1869). Il s'installe chez l'archéologue Louis de Taye et, à son contact, s'intéresse à l'histoire et à l'archéologie.

A Londres en 1862, il visite le British Museum. Il admire la collection d'objets égyptiens, de vases grecs, mais il est plus particulièrement impressionné par la frise du Parthénon qui influencera considérablement tout son parcours. L'artiste montre en effet un grand intérêt pour le monde grec et en particulier pour son architecture.

 

Détail de la frise du Parthénon, copie en place sur le bâtiment.

Détail de la frise du Parthénon, copie en place sur le bâtiment.

Premiers cavaliers, frise ouest (British Museum).

Premiers cavaliers, frise ouest (British Museum).

En 1863, il épouse une Française, Marie Pauline Gressin de Boisgirard. Pendant leur voyage de noces, il découvre l'Italie et tombe sous le charme des ruines de Pompéi. Le couple rentre en France avec une impressionnante collection de photographies, véritable documentation dans laquelle Lawrence puisera pour ses compositions à venir.

Plus tard, sa grande habileté à reproduire l'architecture antique lui vaudra le surnom de « peintre du marbre ».

A Paris, il rencontre le célèbre marchand d'art belge Ernest Gambart (1814-1902) qui lui commande une vingtaine de toiles pour sa galerie londonienne. Le succès est immédiat.

Mais en 1865, son fils meurt de la variole, puis il perd son épouse en 1869. Il se retrouve seul avec deux filles, Anna, future peintre et Laurence, future écrivaine. Craignant une invasion prussienne, il quitte la France et s'installe à Londres en 1870. Amoureux, il se remarie avec une de ses élèves Laura Epps (1852-1909) et, en 1873, devient sujet britannique.

Lawrence Alma-Tadema, portrait de Laura Theresa Epps (Lady AlmaTadema) (vers 1871), localisation inconnue.

Lawrence Alma-Tadema, portrait de Laura Theresa Epps (Lady AlmaTadema) (vers 1871), localisation inconnue.

Les expositions, les succès et les récompenses se succèdent, aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis ou en Australie. En 1876, il devient membre de l'Académie Royale, et en 1899, il est anobli par la reine Victoria.

Laura Epps décède en 1909 et malgré son chagrin Sir Lawrence Alma-Tadema continue à peindre et nous offre, d'après certains, quelques-unes de ses plus belles toiles.

Il meurt en cure dans la ville thermale de Wiesbaden le 25 juin 1912. Sa sépulture se trouve dans la cathédrale Saint-Paul de Londres.

Le peintre.

Le peintre.

Cathédrale Saint Paul de Londres.

Cathédrale Saint Paul de Londres.

Quelques œuvres hellénisantes

Phidias montrant la frise du Parthénon à ses amis, 1868

Phidias montrant la frise du Parthénon à ses amis, 1868

La sieste, 1868

La sieste, 1868

Peinture sur vase, 1871

Peinture sur vase, 1871

Vin grec, 1873

Vin grec, 1873

Printemps, 1894

Printemps, 1894

Les Femmes d’Amphissa 1887

 

Dans la mythologie grecque antique, les Thyiades, représentées dans le tableau de Lawrence, sont des femmes qui composent le cortège de Dionysos. Elles atteignent l'extase et la transe en hurlant et en dansant. Elles se droguent à l'aide de feuilles de lierre qu'elles mâchent.

Ce groupe de créatures constitue le ou la Thiase ; il peut comprendre des Ménades (ou Bacchantes) et des Satyres car, originellement uniquement composé de femmes, il devient progressivement mixte.

Dionysos et des membres de son thiase sur un cratère-psykter, (525–500 av. J.-C.) Musée du Louvre.

Dionysos et des membres de son thiase sur un cratère-psykter, (525–500 av. J.-C.) Musée du Louvre.

Satyres ivres, psykter attique à figures rouges, v. 500–490 av. J.-C., British Museum

Satyres ivres, psykter attique à figures rouges, v. 500–490 av. J.-C., British Museum

Ménade furieuse portant le thyrse et la nébride, et tenant une panthère. Coupe à fond blanc de Macron. Vers 480 av. J.-C., Staatliche Antikensammlungen (Munich)

Ménade furieuse portant le thyrse et la nébride, et tenant une panthère. Coupe à fond blanc de Macron. Vers 480 av. J.-C., Staatliche Antikensammlungen (Munich)

Cet épisode historique est relaté par l'auteur grec antique Plutarque. Les habitants de Phocide sont en guerre contre ceux d'Amphissa. Des Bacchantes venues de Phocide, emportées par leurs danses rituelles nocturnes en l'honneur de Dionysos, s'endorment épuisées sans vraiment savoir où elles se trouvent. Au matin, elles se réveillent et constatent avec effroi qu'elles sont sur la place du marché d'Amphissa, chez leurs ennemis. Mais, par solidarité, les femmes d'Amphissa se regroupent autour des Bacchantes, les protègent, leur apportent à manger et persuadent même leurs maris de ne pas tuer ces "étrangères" et de les reconduire à la "frontière" en les escortant pour assurer leur sécurité. Les Bacchantes sont ainsi sauvées.

Plutarque.

Plutarque.

Alma-Tadema restitue sur sa toile ces événements racontés par Plutarque comme suit :

« À l'époque où des usurpateurs de Phocide s'emparèrent du sanctuaire de Delphes et où les Thébains leur déclarèrent la guerre dite sacrée, les femmes au service de Dionysos, qu'on appelle les Thyiades, en transe et errant la nuit, ne s'aperçurent pas qu'elles se trouvaient sur le territoire d'Amphissa. Exténuées et sans avoir encore repris leurs sens, elles s'abattirent sur le marché et s'endormirent éparpillées là où elles étaient tombées. Les femmes d'Amphissa, vu que les Phocidiens étaient dans le camp des alliés et vu la présence de nombreux soldats des usurpateurs, craignant que les thyiades ne soient violentées, accoururent toutes au marché, entourèrent silencieusement les dormeuses sans les questionner, leur rendirent tous les soins possibles et leur apportèrent à manger. Elles persuadèrent enfin leurs maris de les laisser les reconduire à la frontière en les escortant pour leur sûreté. »

(Plutarque, Œuvres morales, Conduites méritoires des femmes XIII, 249e).

Amphissa (soulignée en rouge).

Amphissa (soulignée en rouge).

Chez Lawrence, on découvre les Thyiades au réveil, allongées à même le sol, les cheveux en bataille, les pieds nus. Certaines dorment encore tandis que d'autres s'étirent de façon nonchalante. Le sol est jonché de leurs vêtements, de peaux de bêtes et de tambourins. Leurs postures lascives, peintes toutes en courbes, laissent deviner la nuit festive qu'elles viennent de passer.

Détails
Détails

Détails

L'attitude des Thyiades contraste fortement avec celles des femmes venues faire leur marché qui sont droites et figées. Certaines semblent étonnées par la présence de ces femmes, d'autres exposent leur dédain, voire leur mépris. Quelques-unes cependant affichent leur curiosité, leur étonnement et même leur envie.

Détail.

Détail.

Sur la place où se déroule la scène, le marché est déjà installé avec ses nombreux produits : huiles, miel, œufs, viande, poissons ... Alma-Tadema offre au spectateur la rencontre de deux groupes exclusivement féminins. Seul un homme figure dans le tableau : un marchand situé dans la pénombre de son étal.

Détail.

Détail.

Aujourd’hui, Amphissa est une charmante petite ville, à l’ouest de Delphes, moins touristique que cette dernière. Elle fait partie de la Phocide, considérée dans l’Antiquité comme une terre sacrée. Amphissa est réputée pour le charme de ses maisons, son exposition géographique entre mer et montagne, et pour ses olives.

Amphissa aujourd'hui.
Amphissa aujourd'hui.
Amphissa aujourd'hui.

Amphissa aujourd'hui.

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