Memnon de Rhodes, mercenaire grec

Lorsqu’Alexandre le Grand part à la conquête de son empire, l’Anatolie est divisée en satrapies, divisions de l’empire perse, et est gouvernée par la dynastie des Achéménides. Il va trouver sur son chemin des mercenaires grecs comme Memnon et son frère Mentor.

Alexandre le Grand, British Museum.

Ces mercenaires, soldats à la solde des Perses, sont nombreux. Leur chef est alors Memnon de Rhodes (Μέμνων ὁ Ῥόδιος) (né en 380 av. JC – mort en 333 av. JC à Mytilène).

Lui et son frère Mentor (Μέντωρ ó Ῥόδιος, 385-340), originaires de l’île de Rhodes (Dodécanèse), sont les principaux adversaires d’Alexandre le Grand. Memnon est peut-être même le seul capable de chambouler les plans de la campagne d'Alexandre.

Dans l'Antiquité grecque, le mercenariat est une pratique courante. Le métier des armes représente un des seuls moyens d'échapper à la pauvreté. Les soldats grecs en période de paix n'ont pas de mal à retrouver un "emploi", en particulier les hoplites qui ont une excellente réputation. Les cités grecques, les satrapes perses (gouverneurs des satrapies) et même le grand roi recrutent des soldats pour nourrir les rangs de leurs armées. La conquête de l'empire perse par Alexandre le Grand ne fera qu’accroître ce besoin en mercenaires.

Anatolie : on peut aussi distinguer l’Asie Mineure (partie occidentale égéenne), de l’Anatolie (intérieur des terres) …

Mercenaires ou traitres ? Mentor et Memnon entrent d’abord au service du satrape de Phrygie et de l’Hellespont, Artabaze (389-325). Ce dernier est en révolte contre l’empereur Artaxerxès III (425 av. JC - 338 av. JC) ; les deux frères sont chargés de conduire son armée. Pour conclure cet accord, Artabaze épouse la sœur des deux mercenaires et accorde la main de sa fille Barsine à Mentor (355 av. J.-C).

Détail d'une monnaie d'or à l'effigie d'Artabaze.

En 354, Mentor est, malheureusement pour lui, battu par les troupes d'Artaxerxès III. Il s'enfuit alors en Egypte tandis qu'Artabaze, Barsine et Memnon se réfugient à Pella (Macédoine) auprès du roi Philippe II, père d’Alexandre, où ils reçoivent un accueil plutôt chaleureux.

Pella (Macédoine)

Puis en 343, suite à un retournement de situation, Mentor entre au service d'Artaxerxès III. Cette valse d’un camp à l’autre n’était pas rare chez les mercenaires. Désormais au service du grand roi, Mentor joue un rôle important dans la reconquête de l'Egypte. Bon négociateur, il obtient le pardon pour son beau-père Artabaze et son frère Memnon, en échange d’informations précieuses sur les projets d'invasion de Philippe II ... C'est à cette époque que Barsine donne le jour à une fille qui épousera le Grec Néarque (commandant d’Alexandre) en 324.

En 340, Mentor meurt et Memnon épouse Barsine, la veuve de son frère.

Artaxerxès III de Perse.

Plus tard, en 337-336, Memnon reçoit pour mission de repousser l'offensive en Anatolie du valeureux Parménion (400-330), général de Philippe II, qu'il contraint à se réfugier dans Abydos (335), cité située sur la rive asiatique de l’Hellespont (Dardanelles). Parménion ne reçoit pas de renforts dans un premier temps car Alexandre est occupé aux frontières nord et en Grèce.

Alexandre buvant tandis que son médecin Philippe lit la lettre de Parménion.

A l'automne 335, les cités grecques se révoltent contre la politique de Darius III, le nouveau roi perse. Grâce à l’aide de Memnon, Darius III reconquiert les territoires pris par Parménion à la fin du règne de Philippe II. Memnon compte sur la révolte des Grecs et prend contact avec les factions aristocratiques de diverses cités hostiles à Alexandre. La riposte d’Alexandre est impitoyable, il épargne Athènes mais la ville de Thèbes est presque entièrement rasée et sa population réduite en esclavage.

Thèbes, aujourd'hui.

Au printemps 334 av. J.-C., Alexandre passe par Amphipolis, par la Thrace, traverse l'Hellespont, puis se dirige vers le fleuve Granique où les Macédoniens vont affronter les Perses pour la première fois. Memnon propose alors aux Perses de pratiquer la politique de la « terre brûlée » afin d'éviter le combat et de priver Alexandre de tout ravitaillement. Mais le satrape Arsitès, peut-être rival de Memnon à la cour du roi, refuse ce plan.

Le Granique.

Lorsqu'Alexandre et Parménion atteignent le fleuve Granique, ils sont confrontés à plus de 30 000 Perses et mercenaires grecs, dirigés par les satrapes locaux et par Memnon.

Fin stratège, Memnon est à la tête de la cavalerie avec les chevaux les plus forts. Méfiants, les Perses le surveillent constamment car lui et Alexandre se connaissent depuis l’exil de Memnon à Pella.

Mais, à l'issue du combat, les Perses subissent d'énormes pertes, tandis que Memnon parvient à s'échapper.

La bataille du Granique est la première grande bataille d'Alexandre sur le sol asiatique. La voie lui semble ouverte pour la conquête de toute l'Asie Mineure. Cette victoire prouve le rôle important de la phalange macédonienne et l'habileté stratégique d'Alexandre. L'échec des Perses est dû à la fois à leur mauvaise tactique et au rejet du plan de Memnon par Arsitès.

Sous le poids de la responsabilité, Arsitès se donnera la mort.

Memnon tente malgré tout de résister à l'avancée d'Alexandre ; il ne peut sauver Milet, mais réussit à résister dans la citadelle assiégée d'Halicarnasse, qu'il incendie. Il espère ainsi détourner l’attention des Macédoniens en transférant la guerre en Grèce d’Europe.

A l'hiver 334, Darius III ayant perdu confiance en ses satrapes, désigne Memnon commandant en chef de toutes les forces navales et terrestres. Memnon s'oppose sur mer au général macédonien Antipater (397-319) et tente d’utiliser sa flotte pour s'emparer des îles égéennes et couper le ravitaillement de l'armée macédonienne. Memnon reprend Kos et Chios. Puis il entreprend le siège de Mytilène … mais il meurt de fièvre au début de l’année 333.

Sa disparition est un soulagement pour Alexandre car les successeurs de Memnon ne se révèlent pas à la hauteur du redoutable mercenaire.