Et Crésus toucha le pactole …

« Riche comme Crésus » et « Toucher le pactole » … d’où viennent ces expressions françaises ?

Pour avoir la réponse, allons donc chez Midas … celui de la mythologie !

Midas, roi de Phrygie (Anatolie), obtint du dieu Dionysos (suite à une bonne action) la faculté de changer en or tout ce qu'il touchait. Mais, son vœu à peine exaucé, tout, jusqu'à ses aliments, devenait métal dès qu’il mettait la main dessus.

Sur les prières de Midas, Dionysos, pour le délivrer de ce funeste don, lui suggéra de se baigner dans la rivière Pactole. Depuis, la rivière coule des paillettes d'or. Par la suite, "pactole" est devenu synonyme de grande richesse.

Bartolomeo Manfredi (1582-1622), "Midas se lavant à la source du Pactole", vers 1617-19, Huile sur toile, Collection particulière.

Le Pactole est donc une rivière (en grec Πακτωλός, Paktōlós, en turc Sart Çayı) qui se trouvait dans le royaume de Lydie (voir la carte), région très fertile où affleuraient des veines d'or mais aussi très sujette aux secousses telluriques. Son nom turc actuel Sart Çayı signifie « rivière/ruisseau de Sardes ».

Le Pactole se niche dans la vallée de Sardes, pas très loin d’Izmir (Smyrne).

Quant à Crésus, en grec Κροῖσος (vers 596-546 avant JC), après s’être mesuré au roi perse Cyrus et avoir échappé au bûcher (mais, c’est là une autre histoire), il se vit confier le royaume de Lydie. Sa puissance et sa richesse, réputées considérables, lui vinrent donc des sables aurifères de la fameuse rivière Pactole et lui valurent d'avoir été immortalisé dans l'expression « riche comme Crésus ».

Crésus, amphore à figures rouges (détail), v. 500-490, musée du Louvre.

Pactole est également le nom du dieu fleuve qui personnifiait ce cours d'eau, comme c’était le cas pour d’autres fleuves dans la mythologie grecque.

Emile Louis Picault (1833-1922), "La source du Pactole", Bronze, France 1898.

Plutarque (46-125 après JC) précise que la rivière s'est d'abord appelée Chrysorrhoas (en grec Χρυσορρόας, « qui charrie de l'or »).

Car Pactole était aussi le fils de Zeus et de Leucothée. Au cours d’une fête en l’honneur d’Aphrodite, il accueillit dans son lit, à son insu, sa sœur Démodicé. Quand il s’en aperçut, rongé par le remord et la honte, il se jeta dans les eaux du Chrysorrhoas, « le fleuve d'or ». Le fleuve, dont les eaux et les sables étaient remplis de paillettes d’or, prit le nom de Pactole.

Avec cette immense fortune, le roi Crésus se bâtit une légende grâce à de généreuses offrandes faites aux temples grecs. Il fit reconstruire le temple d'Artémis à Éphèse, l'une des sept merveilles du monde antique.

Le temple d'Artémis d'Ephèse, (reconstitution d'une des sept merveilles du monde).

Il fit aussi porter au sanctuaire de Delphes une quantité inimaginable d'offrandes. D'après Hérodote, il offrit en sacrifice trois mille têtes de bétail, des lits recouverts de feuilles d'or, des coupes d'or, des vêtements teints de pourpre, et bien d’autres richesses.

Représentation du temple d'Apollon à Delphes.

Hérodote, enfin (le ʺpèreʺ de l’Histoire), raconte que l'Athénien Solon vint à Sardes alors que Crésus était au faîte de sa puissance. Crésus lui demanda de nommer le « plus heureux des hommes », pensant, grâce à sa richesse, avoir droit à ce titre. Mais Solon cita d’autres bienheureux, suscitant ainsi la colère de Crésus.

Solon conclut devant Crésus : « Avant qu'il soit mort, attendons, ne disons pas encore d'un homme qu'il est heureux, disons que la fortune lui sourit ». Effectivement, Crésus ne jouit pas longtemps de son bonheur, la parole prémonitoire se concrétisa. Son fils aimé Atys, victime d'un accident de chasse, mourut, blessé par un javelot.